104e Congrès des Maires, Jean-François Carenco, ministre délégué aux Outre-mer, détaille les efforts du Gouvernement en faveur de l'Outre-mer

21/11/2022

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JF Carenco, le 21 novembre 2022 au Congrès des Maire

Le 21 novembre 2022, devant les maires et présidents d’intercommunalité de France réunis à Paris pour leur 104e congrès, Jean-François Carenco, ministre délégué aux Outre-mer, a détaillé à la tribune, les efforts du Gouvernement en faveur de l'Outre-mer.

Seul le prononcé fait foi


Monsieur le président de l’AMF,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les présidents d’associations des maires, présidents d’intercommunalité,
Mesdames et Messieurs les maires,
Mesdames et Messieurs les élus,
chers tous,


Honneur et plaisir pour moi de conclure avec vous cette matinée dédiée aux Outre-mer. Avant toute chose, les salutations – c’est la règle, mais c’est aussi mon sentiment et mon envie –, les salutations du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, qui m’a demandé de vous faire part de son soutien et de ses remerciements pour votre action.

C’est donc un plaisir d’être avec vous, et ce, pour trois raisons.

Tout d’abord, vous mettiez en avant les Outre-mer, et comme nombreux parmi vous le savent déjà, mon mantra est de faire rayonner les Outre-mer, cette France océanique, comme je l’appelle, cet archipel de la France – et je rajoute la Guyane sinon les élus guyanais ne sont pas contents, mais ils ont raison –, cette France océanique si diverse, si riche et, pourquoi ne pas le dire, mais vous le savez, parfois oubliée. Or aujourd’hui, par votre présence, votre nombre, vos échanges, il me semble que cette France océanique rayonne. Merci aux organisateurs, aux intervenants du jour d’avoir bien voulu mettre les Outre-mer à l’honneur.

C’est d’ailleurs le sens de la feuille de route, que certains d’entre vous connaissent, que m’a signée le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Celle-ci décline une vision nourrie d’une conviction, elle-même alimentée d’une expérience. Mon expérience, vous le savez, j’en discutais avec David Lisnard, c’est une vie de préfet jalonnée de responsabilités, de combats, d’amitiés ultra-marines à Saint-Pierre, en Nouvelle-Calédonie, en Guadeloupe. Ma conviction, c’est que les Outre-mer disposent des ressources humaines et naturelles nécessaires pour être à l’avant-garde des transitions écologiques et technologiques. Ils sont là où les défis du XXIe siècle se concentrent et donc là où nous pouvons, où vous pouvez inventer des solutions. Car par leur géographie, leur histoire, les Outre-mer sont au croisement des plus grands enjeux contemporains. Le climat, l’énergie, la cohésion sociale, la diplomatie, l’environnement, l’émigration, tout cela, vous êtes au coeur de ces problèmes.

Et donc vous avez en charge de participer à l’invention du monde. Notre vision, c’est que l’avenir des Outre-mer passe par la création de valeur dans chacun des territoires, de la valeur économique, de la valeur patrimoniale, de la valeur culturelle et de la valeur humaine. Oui, vous êtes là pour créer de la valeur, et c’est la seule solution.

Ma méthode, c’est trouver les voies d’une action publique efficace, en lien avec les élus et les acteurs du terrain face aux problèmes du quotidien de nos compatriotes ultra-marins. C’est un long chemin, vous le savez, mais vous savez aussi que nous sommes déjà, nous avons déjà progressé ensemble sur un certain nombre de points. Les premiers résultats sont déjà là et je les publierai avec Gérald Darmanin avant la fin de l’année.

On identifie les problèmes, on se met d’accord sur les solutions et on y va ensemble, État et collectivités territoriales, c’est ma méthode. Pour résumer, on se met d’accord sur la philosophie et ensuite, du concret, encore du concret, et toujours du concret. C’est le sens de l’agenda mis en place à la suite de l’appel de Fort-de-France et de la réunion du 7 septembre à l’Élysée autour du Président de la République et de la Première ministre.

Si cet appel a été porté par les présidents de collectivités, c’est aussi dans l’action au quotidien des communes que je souhaite m’inscrire. Vous êtes les premiers concernés. L’ambition globale de cette feuille de route que je me suis assignée et que Gérald Darmanin porte avec moi se décline en divers objectifs.

Premièrement, répondre concrètement aux préoccupations quotidiennes des citoyens et restaurer la confiance dans l’action publique. Cette défiance, elle vous touche, vous aussi, comme l’État, comme les collectivités territoriales. C’est pour cela qu’il nous faut avancer sur les questions de la vie chère, de l’eau, des pollutions, du transport, du logement. Et pour cela, Mesdames et Messieurs les maires, vous êtes au premier rang de ces problématiques, au service en particulier des plus vulnérables, comme vous l’avez été pendant le covid, comme vous l’êtes pour les sargasses ou pour le chlordécone.

Deuxième objectif, renforcer l’ambition républicaine. Pour les habitants du territoire, il s’agit en premier lieu de la sécurité, et j’y reviendrai, vous en avez parlé ce matin. Mais lorsque les bandes armées assassinent leurs victimes, ce sont vos îles, vos territoires, la République qu’ils assassinent. Cela suffit ! L’État renforce tous les jours ses moyens d’action et je suis heureux d’avoir obtenu l’envoi du RAID à Mayotte, un communiqué sera publié dans les heures qui viennent. Mais si l’État renforce tous les jours ses moyens d’action avec une volonté de fermeté qui désormais doit s’affirmer plus encore, les élus locaux ont un rôle à jouer avec notamment les comités territoriaux de prévention de la délinquance. Vous êtes les partenaires naturels et indispensables en la matière, simplement parce que c’est vous qui êtes au premier rang des emmerdements qui arrivent.

Troisième objectif, favoriser la création de valeur, qui seule permet un avenir à la jeunesse ultra-marine. La baisse de la population à Saint-Pierre, en Martinique, en Guadeloupe ne peut s’inverser que par l’emploi, l’innovation, la culture, la création d’entreprises. Il faut que les jeunes participent à la création de leur propre avenir. C’est central, c’est vital, tout le reste, c’est des carabistouilles.

Quatrième objectif, agir pour l’adaptation, la différenciation, la responsabilisation des acteurs. C’est l’une des actions majeures qu’il nous faut réussir ensemble. Le temps n’est plus à la relation descendante biunivoque entre les communes et l’État central. Chaque collectivité doit pouvoir être davantage responsable, et c’est le sujet du CDPNAF, petit sujet qui peut paraître annexe mais qui est fondamental. Davantage responsable pour répondre aux problèmes différents qui se posent sur chaque territoire.

Enfin, favoriser l’insertion et le rayonnement européen et international des territoires dans leurs bassins géographiques, c’est une évidence mais c’est le plus difficile, notamment pour les DROM qui sont au sein de l’Union européenne. C’est pour cela que j’étais à Bruxelles pendant deux jours la semaine dernière, pour sensibiliser avec l’ensemble des collectivités présentes la Commission et les autres États membres, les parlementaires, aux défis et aux richesses de l’Outre-mer. Imaginez que des relations simples entre Anguille et Saint-Martin – c’est à 300 m, ça se voit – c’est juste un casse-tête incroyable. Donc il nous faut travailler, avoir confiance mais travailler. Des groupes de travail pour connecter les idées sont en train d’être mis sur pied par les présidents de collectivités, par les préfets dans chaque territoire et je compte sur votre participation. Un comité d’orientation global se réunira à Paris ou en visio, le 7 ou le 8 décembre.

La deuxième raison pour laquelle je suis heureux d’être parmi vous aujourd’hui, c’est qu’en tant que jeune ministre, mais vieux préfet, je garde une affection et une admiration, un respect tout particulier pour le rôle de maire et d’élu local, le fameux couple maire-préfet, Monsieur le président, ce rôle si beau, si exigeant, si difficile. C’est pour cela que j’ai tenu à me rendre spécifiquement, lundi dernier, 24 heures en Martinique pour le 30e congrès de l’Association des communes et collectivités d’Outre-mer, et un certain nombre d’entre vous étaient là-bas. Et comme j’ai pu le dire à cette occasion, vous êtes pour moi, vous, les maires, notamment d’Outre-mer, le visage de la France et de la République. Vous êtes ceux qui, au quotidien, oeuvrez pour répondre aux attentes multiples de nos compatriotes, parfois, souvent contradictoires – mais c’est normal, c’est le sens de la vie – mais toujours à entendre. Vous êtes le contact direct, palpable, sensible, visible avec la puissance publique, l’incarnation dans la vie de tous les jours de la loi et de l’administration, de la compréhension des difficultés, de la recherche des solutions. Vous êtes là à chaque étape de l’histoire intime des gens, de la naissance à leur mort – vous faites les certificats de naissance, les certificats de décès – grâce à tous les services publics que vous concevez, organisez, administrez pour et autour d’eux.

Mais en Outre-mer ce rôle d’élu local, de maire, ce rôle de puissance publique au coin de la rue prend encore plus son sens parce que l’administration centrale, au-delà du préfet, est loin, très loin, parfois au-delà des mers, des océans, elle est votre Outre-mer. Vous êtes ainsi le premier réceptacle des joies, des colères, des doutes, des frustrations, des tragédies et des espoirs de nos concitoyens, et ce premier contact, il se fait sans filet, sans truchement, sans protection. Vous mettez votre travail en jeu, votre réputation en jeu, c’est bien, c’est normal, et parfois même – et cela est inadmissible, et ce gouvernement veut combattre cela avec la plus grande fermeté – vous mettez votre sécurité et celle de vos proches en jeu.

Pour tout cela, un immense merci. Vous assurer de mon soutien, du soutien du gouvernement, mais surtout de ma volonté d’agir. C’est un mot, " soutenir ", mais après, il faut agir, il faut se battre.

Enfin, la troisième raison de l’intérêt d’être parmi vous aujourd’hui, ce sont les deux thématiques de travail que vous avez développées, qui sont au coeur de nos priorités : la sécurité et le logement.

Concernant la sécurité, vous pouvez être sûrs de la mobilisation du ministre de l’Intérieur, des Outre-mer et de toutes ses équipes, et de moi-même sur ce sujet. C’est l’avantage, d’ailleurs – à ceux qui m’ont qualifié de demi-ministre, de ministre au rabais – c’est l’avantage du rattachement des Outre-mer à l’Intérieur. Comme cela, je n’ai pas besoin de réunion ministérielle pour convaincre des moyens supplémentaires à déployer outre-mer. Il y était déjà sensible, il l’est maintenant organiquement. Je suis d’ailleurs heureux d’annoncer l’envoi du RAID ce matin, la décision vient d’être prise, à Mayotte.

En complément de cette action résolue, il nous faut aussi agir, plutôt au sein du ministère délégué, dans l’accompagnement des femmes victimes de violences conjugales ou encore dans la prévention de la récidive en matière de lutte contre le narco trafic notamment.

Si les contextes et les racines de la violence diffèrent entre territoires ultra-marins, notre détermination est la même dans chacun de ces territoires, la fermeté. Je vous ferai l’économie de citer toutes les mesures qui sont dans la LOPMI qu’a présentée le ministre de l’Intérieur, ni tous les moyens supplémentaires déjà déployés sur le terrain depuis quelques mois. Je ne mentionnerai que les 442 postes créés, les quatre escadrons de gendarmes mobiles à Mayotte, 210 postes créés et sept escadrons de gendarmes mobiles en Guyane, l’envoi d’un préfet dédié à la sécurité en Martinique, la nécessité d’améliorer l’action de l’État en mer. Il faut que tous ces délinquants, tous ces trafiquants, tous ces meurtriers qui empoisonnent la vie et le développement économique des Outre-mer soient empêchés de nuire.

Mais si nous déclarons cette guerre à l’insécurité, il y aura des réactions. Oui, le temps est à la fermeté et la fermeté entraînera des difficultés à court terme, mais c’est le seul moyen d’y aller à long terme, c’est le seul moyen de réussir. Et donc, à tous ceux qui souffrent de ces agissements insupportables, je dis « travaillons ensemble ». Le deuxième escadron qui a été envoyé en Martinique – on va rassembler les deux escadrons – est fait pour aller chercher les délinquants. Mais si vous allez chercher les délinquants, il y aura de la bagarre. Acceptons la bagarre, sinon on va se coucher. C’est la même chose à Mayotte.

J’ai fait par ailleurs du second terme de vos débats du jour et je vous ai entendu, le logement, une priorité personnelle. J’ai été le premier ministre de l’Outre-mer, depuis des années, à me rendre au congrès de l’USH à Lyon le 27 septembre. Je souhaite d’abord, et nous y sommes presque, que le conflit USH/USHOM se termine. L’USHOM a évidemment sa place mais il n’y a pas de raison de faire la guerre avec l’USH. On est en train d’y travailler et j’ai bon espoir d’y arriver, un certain nombre d’entre vous connaissent la solution qui est proposée.

Au cours de chacune de mes visites ces quatre derniers mois, j’ai réalisé, j’ai fait des réunions spécifiques à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Martin, bientôt en Guyane – je salue Madame la maire de Saint-Laurent-du-Maroni pour ses efforts. Pourquoi le logement est-il si central ? L’Abbé Pierre disait « gouverner, c’est d’abord loger son peuple ». C’est une phrase qui doit résonner pour nous. Or, nous le savons, le logement outre-mer est un défi si gigantesque !

Effectivement, la Cour des Comptes rappelle que 80% des ménages sont éligibles à un logement social dans les DROM – terme que je n’aime pas beaucoup non plus –, dont 70% à un logement locatif très social. Pourtant, seuls 15 % ont la chance de pouvoir en bénéficier alors que 70 000 ménages ultra-marins éligibles sont en attente. Je voudrais dire que, au-delà de ce que je vais raconter, il y a un certain nombre de résultats dont vous pouvez être fiers, et dont moi je suis fier alors que je n’y suis pas pour grand-chose puisque j’arrive. Mais acceptons d’être contents, je pense que quand on est élu, il n’y a pas de mal à se faire du bien, je dirai même que ça réconforte un peu et ça encourage pour l’action.

Alors, ce que je constate, c’est que la LBU, qui a augmenté chaque année et qui va encore augmenter cette année est désormais consommée depuis deux ans. Elle est désormais consommée. Les problèmes sont gigantesques, je vais y revenir, mais acceptons de se dire cela, que c’est déjà pas mal, que c’est mieux qu’il y a trois ans. Pas suffisant, mais c’est un peu mon leitmotiv, dire que ce qu’on a fait est déjà un premier pas et la condition pour avancer, disons-le, ensemble. Notre maison est le prolongement de nous-mêmes, le pilier sur lequel nous construisons nos vies, nous nous projetons dans le monde et pourtant, un logement sur sept est considéré comme indigne outre-mer.

Comment affronter les défis extérieurs quand son propre foyer est parfois un territoire hostile ? Où puiser la force d’apprendre, de grandir, de travailler, d’aimer dans ces conditions ? Oui, nous ne logeons pas décemment un certain nombre de nos compatriotes ultra-marins en situation précaire et, au-delà du problème de l’activité du BTP, surtout, nous entravons leur avenir. C’est cette réalité que nous ne pouvons pas nier, même si des progrès ont été faits.

Nous ne devons pas céder à la fatalité, nous résigner devant l’ampleur de la tâche et des contraintes. Non, trois fois non. Mes prédécesseurs avant moi avaient posé les jalons d’une action résolue avec la mise en place du Plan logement outre-mer. J’ai décidé de le proroger un an pour réfléchir à le rendre plus efficace. Je le dis, il y a trop de rapports, trop de commissions, trop de contrôles, pas assez de mesures concrètes, Monsieur le président. Mais rassurez-vous, c’est souvent pareil en France, n’est-ce pas, Monsieur le président. Il convient maintenant, dans ce nom horrible de PLOM [plan logement Outre-Mer], PLOM1, PLOM2, PLOM3… ça fait un peu plom, plom… bon. On va essayer de le rendre plus efficace. Mais au-delà de cette prolongation, de cette reconstruction d’un plan de logement outre-mer, ce que je veux faire, c’est construire, réhabiliter, lutter contre les bidonvilles. La demande est gigantesque, les attentes sont fortes, le besoin est urgent. L’offre doit être au rendez-vous, tant en matière d’investissements que de ressources humaines pour mieux comprendre, mieux appréhender au plus près du terrain les besoins et les contraintes.

L’État met sa part de financement. J’ajoute que, dans ma tête, ce n’est pas un sujet financier. La reconduction 2023 des 400 millions d’euros restant du plan d’investissement volontaire PIV outre-mer d’action logement, qui s’ajoute à son apport, j’allais dire " ordinaire ", en est une preuve. Il faut que tous les acteurs s’y mettent, les maires sont en première ligne pour relever ce défi majeur. Je réunis à ce titre, ce jeudi 25 novembre au ministère, une conférence des bailleurs sociaux d’Outre-mer avec tous les bailleurs, les fédérations, les acteurs du logement social. Après cinq minutes pour faire part de mon insatisfaction devant un certain nombre de sociétés qui ne font pas leur job – je pense à l’entretien notamment, je pense à leur non volonté de se porter aménageur sur les terrains sur lesquels il pourrait construire –, nous réfléchirons et formulerons des propositions autour de quatre thèmes, le coût des intrants dans la construction, l’adaptation des normes et la simplification de l’acte de construire, l’accès au foncier et la disponibilité du foncier aménagé – c’est là que trouve sa place le CDPNAF, c’est là que trouve sa place pour la Guyane le fait que c’est le seul sujet qu’on n’a pas fait aboutir de l’accord de 2017, sur 19 sur le plan Guyane, sur le fait que le foncier, 250 000 hectares, dit l’accord, peut être donné aux collectivités locales. Alors, comme l’administration française est bien foutue, on y a mis tant de conditions que ça n’arrive jamais. Je ne suis pas sûr, en tout cas c’est un de mes combats, que pour donner ce terrain aux collectivités locales, il faille que ce soit l’État central qui dise oui ou non à un projet. Aujourd’hui, on dit " il n’y a pas de demande " d’un côté, et de l’autre on dit " oui mais on ne nous les donne pas ". Est-ce qu’on ne pourrait pas simplifier cette affaire de donner les terrains aux collectivités locales de Guyane ? Dans l’accord, il n’y avait pas écrit " sous réserve de l’approbation du projet " à mettre dessus. C’est quand même ce qu’il se passe. Donc là, je trouve que dans l’accès au foncier, c’est un vrai sujet.

Enfin, le logement pour les besoins spécifiques, tant les logements très sociaux LLTS, le prix du loyer, l’adaptation au vieillissement, l’adaptation au changement climatique et la résorption de l’habitat insalubre. Les cas des centres-villes, le nombre de logements en déshérence, la multiplication des squats ou des bidonvilles sont présents et très disparates. À Mayotte, en Guyane, la lutte contre l’habitat indigne et la lutte contre les constructions illégales sont la priorité.

J’étais à Mayotte mi-août, moi je tiens à saluer le travail exemplaire, très difficile, des services de l’État lorsqu’ils procèdent à des opérations de décasage pour lutter contre les logements insalubres dans un climat de violence que vous connaissez. C’est une véritable reconquête de ces terrains, de ces territoires qu’il nous faut mener. C’est un enjeu social, économique et environnemental crucial.

Ainsi, le ministère délégué chargé des Outre-mer a développé une offre de logement locatif très social avec des loyers très bas, mais ça peine à se mettre en oeuvre, en vrai, pour permettre de concurrencer les taudis et les méprisables marchands de sommeil. Je souhaite qu’une réflexion rapide – rapide – soit menée pour disposer des outils permettant d’assouplir les procédures et faciliter ainsi les projets d’aménagement. Je pense par exemple à l’extension d’opérations d’intérêt national – je ne les fais pas pour que l’État reprenne la main, je veux les faire pour que l’État se mette derrière les élus –, Madame le maire de Saint-Laurent sait que ça peut marcher. Alors, c’est une discussion parfois difficile, mais ça peut marcher.

Je pense donc à l’extension d’opérations d’intérêt national, à des nouvelles zones Outre-mer et en priorité à Mayotte avec l’accord des élus que je crois avoir obtenu. Je souhaite aussi que partout où cela est possible les bailleurs soient des aménageurs. Ce n’est pas la peine d’empiler les procédures, d’empiler les intervenants, quand on peut le faire plus vite, on le fait. Cela nous permettra davantage de réhabiliter les logements abandonnés et de revitaliser les centres-villes et les centres-bourgs. Les bâtis en déshérence, les dents creuses sont autant d’opportunités pour pallier l’indisponibilité du foncier. Ici les programmes Action coeur de ville prennent tout leur sens avec 15 villes ultra-marines concernées, dont cinq dans les Antilles.

Le vieillissement de la population est particulièrement marqué aux Antilles, et c’est un de mes soucis forts – Guadeloupe, Martinique, Saint-Pierre et Miquelon. Il nous faut casser la décroissance de la population. Cela impose également une adaptation des logements sociaux au grand âge en prenant en compte les habitudes locales d’accueil des personnes âgées au sein du foyer familial. Des discussions sont ainsi en cours pour voir comment mieux prendre en compte les contraintes des Ultra-marins dans le dispositif Ma Prime Adapt’. Il faudrait quand même qu’on fasse un peu adapté, là-dessus, d’ailleurs c’est écrit dans le texte. Ma Prime Adapt’, pour l’adaptation du logement au vieillissement des populations.

À La Réunion, il reste encore à construire massivement pour répondre à l’augmentation forte de la population.

On a un sujet, vous le savez, qui est la bande littorale aux Antilles. Nous avons décidé, ensemble avec les collectivités locales, de prolonger l’action qui est menée pour clairement, en deux ans, dire qui doit partir, qui peut rester. Qui doit partir doit se voir reconstruire un terrain, donner quelque chose. Qui doit rester doit se voir régulariser. Essayons d’aller vite mais avec de la méthode. C’est ce que nous voulons faire sur la zone littorale en Guadeloupe, en Martinique et à Saint-Martin.

J’ajoute que je reviens de La Réunion où le surpeuplement concerne 30% des Réunionnais. Ici, le développement d’une offre locative intermédiaire est à privilégier, tout comme les logements pour les jeunes, une réflexion sur le lien entre habitation, formation et travail.

Ces différences entre les DROM nécessitent absolument une territorialisation des politiques et, je le souhaite, une implication plus écoutée, plus performante – pourquoi ne pas le dire – des élus locaux. C’est tout l’enjeu du prochain Plan pour le logement outre-mer, plus simple, plus direct, plus facilitateur. Moins de commissions, moins de rapports.

J’ai souhaité que mon mandat à la tête du ministère des Outre-mer soit marqué par le signe du dialogue, de la co-construction avec les acteurs du terrain et donc avec vous. Cette démarche signifie à la fois une adaptation aux enjeux des territoires d’Outre-mer et une différenciation en fonction de chaque territoire, comme nous venons de le voir, mais également une responsabilisation de tous. Tout ne peut pas être descendant, et même si la rue Oudinot est la maison des Ultra-marins, elle ne saurait en être la prison.

Pour réussir ce défi, les élus locaux que vous êtes sont la base, le ciment de l’édifice. Construire des logements très sociaux, accompagner les ménages dans la réhabilitation de leur logement, impulser avec des services de l’État plus volontaires les opérations de résorption de l’habitat insalubre, cela passe notamment par un effort de pédagogie pour faire connaître les programmes, les aides, les plans – le président Repentin le disait – mais aussi pour faire remonter les priorités et organiser les concertations, identifier les axes d’action et surtout assurer le suivi des mesures et des plans adoptés.

Dernier point que je souhaite aborder avec vous, la simplification des normes, qu’elles soient françaises ou européennes. Cette simplification permettrait non seulement de réduire les coûts de construction mais également de favoriser l’essor d’un commerce local, régional, qui faciliterait enfin l’insertion économique des territoires ultra-marins dans leurs bassins. Or le marquage CEE est un frein évident pour la simplification des échanges. C’est un dossier complexe mais je crois pouvoir avancer pour adapter ce marquage vers un avancement qui ne réduise en rien – c’est aussi une évidence – les exigences en matière de sécurité, de durabilité des matériaux, mais qui soit plus adapté aux contraintes d’Outre-mer. Je pense que construire une maison à Langogne, que je cite souvent, ce n’est pas la même chose que de le faire à Camopi ou à Mayotte.

J’ai bon espoir. Si nous influons tous ensemble, j’ai bon espoir que la révision du règlement en cours au niveau européen permettra des avancées.

Un dernier mot sur les finances des collectivités locales, et je m’arrête. Ces finances sont indispensables à votre action, nous le savons. La situation financière de beaucoup de collectivités locales outre-mer est fortement dégradée. Notre objectif est de rééquilibrer les dépenses de fonctionnement pour retrouver des marges d’investissement tout en réduisant les délais de paiement aux entreprises qui freinent l’activité économique et qui freinent la création de richesses. Sur tous ces points, ne vous trompez pas, je serai à vos côtés, non pas en cherchant à dicter de Paris un destin qui ne m’appartient pas, mais dans un accompagnement de vos objectifs et une nouvelle forme de contractualisation. C’est la volonté forte de Madame la Première ministre, qui l’a exprimée dans les discussions du PLS 2023.

Regardez, là aussi, il n’y a pas de mal à se faire du bien. Ce n’est peut-être pas suffisant mais l’effort qui a été fait au budget 2023 est historique par rapport à ce qui s’est passé depuis 10 ans. Cela passe par le rattrapage de la DACOM, la montée en puissance des COROM – et on a obtenu 30 millions dans un certain nombre, dans les deux tiers, pourquoi le cacher, pour la situation de l’eau en Guadeloupe, qui est une catastrophe mais je pense qu’on va y arriver –, la pérennisation du FEI, l’appui technique du Fonds outre-mer, la prolongation des CCT. C’est avec vous qu’on va faire la nouvelle étape de ces CCT que je continue, moi, à appeler « contrats de plan » puisque je suis vieux, pour 2024-2027. Autant d’outils qui sont performants et qui seront plus performants si nous savons travailler ensemble.

Je termine par l’octroi de mer. Ces ressources sont dynamiques, nous avons atteint en 2022 ce qu’il y avait en 2018, c’est-à-dire que les crises de 2019, 2020 et 2021 sont rattrapées. Elles permettent de compenser, à l’évidence, les effets de l’inflation sur les collectivités qui le touchent. Est-ce suffisant ? Je ne crois pas, il nous faut parler de sa refonte, c’est un des chantiers que le Président de la République a souhaité ouvrir lors de sa campagne et je pense qu’il a raison. L’objectif est bien de transformer l’économie ultra-marine afin de la rendre créatrice de valeur, c’est-à-dire d’avenir pour nos jeunes. Cette refonte est un moyen – ce n’est pas un rêve – à la fois de conforter les ressources des collectivités locales dont l’octroi de mer constitue actuellement une ressource essentielle mais aussi de maintenir et mieux orienter la protection de la production locale au profit d’une action écologique sans que cela, bien sûr, ne se fasse au détriment des consommateurs les plus fragiles. Par ses implications structurantes, une refonte ne peut être envisagée qu’après une concertation approfondie, tant avec les élus qu’avec les acteurs économiques. Énergie, fiscalité, responsabilité fiscale, recettes des collectivités, tout cela est lié, il nous faut travailler ensemble avec vous sur le fond des sujets et dire non aux personnes trop pressées.

Voilà les quelques éléments que je voulais partager avec vous. Dans son roman Le médecin de campagne, Balzac fait dire à son héros le sens du dévouement de la fonction des maires – je ne sais pas si vous connaissez ce passage. Pour lui, le courage civil et le courage militaire procèdent du même principe : le soldat est appelé à donner sa vie d’un seul coup, le maire à la donner goutte à goutte. Il faut un vouloir continu, une ténacité sans pareil – je pense aux maires, à vos collègues à Mayotte, à certains endroits de Guyane, c’est très difficile en ce moment, c’est très difficile et je demande de temps en temps d’avoir une pensée pour eux –, il faut une volonté continue, une ténacité sans pareil pour ne pas se décourager devant la tâche. Mais je reconnais à tous votre courage civil qui n’a rien à envier aux plus braves de nos soldats.

Avec Gérald Darmanin, nous voulons, nous savons pouvoir compter sur vous, et sachez que nous accompagnons votre détermination. Il nous faut prendre ce tournant, ce tournant dans le monde moderne, ce tournant au coeur des crises. Si l’on continue comme avant au coeur des crises du monde, on est foutu ! Tout cela peut paraître trop long et accentuer le désamour de nos concitoyens. Je vous demande de leur faire passer le message que nous sommes au travail ensemble et que, ensemble, nous croyons que nous réussirons.


Merci à vous.