Discours | Cérémonie de commémoration de l'abolition de l'esclavage en Guadeloupe le 27 mai

  • Guadeloupe

27/05/2022

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Pour son premier déplacement officiel outre-mer, Yaël Braun Pivet s'est rendu en Guadeloupe. A Basse-Terre elle a pris la parole lors de la cérémonie de commémoration de l’abolition de l’esclavage du 27 mai, célébrant ainsi les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

Seul le prononcé fait foi

 

Madame la Ministre, chère Justine BENIN,

Monsieur le président de la Région Guadeloupe, cher Ary CHALUS,

Monsieur le président du Conseil départemental, cher Guy LOSBAR,

Madame la directrice, chère Dominique TAFFIN,

Mesdames et messieurs les parlementaires et élus,

Mesdames et messieurs,

Chers amis,

« Vivre libre ».

« Vivre libre ou mourir ». Ce sont les mots prononcés, ici-même, par un soldat de la République, Louis Delgrès, il y a 220 ans. Son sacrifice, celui de ses compagnons, Ignace, Solitude, répondent à une conviction que nous partageons tous aujourd’hui. La République est par essence ennemie de l’esclavage. Elle le combat avec la dernière énergie. C’est son honneur, c’est la grandeur de notre démocratie, c’est la force qu’elle puise dans l’humanité.

Pourtant, avec l’échec de la Première République, en 1802, c’est l’échec de la « liberté générale », le rétablissement de la servitude. Il faudra attendre la Deuxième République, l’engagement de ce que la France aura compté de combattants de la liberté pour voir abolir l’asservissement dans notre pays. « La République a pris au sérieux son principe », ce sont les mots de SCHOELCHER. Liberté, égalité, fraternité. Le principe qui veut qu’on ne fasse aucune distinction dans la famille humaine.

Le 27 mai 1848, l’esclavage est aboli en Guadeloupe, pour la deuxième et ultime fois de son histoire. En ce 27 mai, nous nous rassemblons pour nous souvenir, pour rendre hommage aux victimes de l’esclavage. Comme l’ont écrit SENGHOR, ou CESAIRE, la plaie de l’esclavage et de la traite négrière souillent l’histoire de notre pays et celle, si complexe, de l’humanité. Nous devons nous représenter la réalité de ceux qui en ont souffert, la cruauté à laquelle ces femmes, comme la mûlatresse SOLITUDE, ces hommes, et ces enfants ont dû faire face. Un crime contre l’humanité, perpétré pendant des siècles, ce sont les fers, les chaînes, les viols, les millions de vie brisées sous les coups, les cris qui résonnent dans les cales. La mémoire de leur martyr nous oblige. Les blessures, parfois, restent encore vives. Je le sais. Je le comprends. Ces blessures, nous devons les regarder en face, les yeux grands ouverts, dans le recueillement, en pleine conscience de leur funeste souvenir. Nous devons en être dignes.

Nous devons nous souvenir de notre passé, tout notre passé. Car il n’y a pas de remède plus efficace contre la haine, contre les discriminations, contre le racisme – ce « crime du cœur et de l’esprit » – que l’esclavage a nourri. Cette mémoire partagée, cette mémoire révélée, c’est un remède qui porte un nom. Le nom de réconciliation.

C’est la raison d’être de ce « mois des mémoires ». Les journées nationales de commémoration des 10 et 23 mai, celles propres à chaque territoire ultra-marin, à La Réunion, à Mayotte, en Martinique, en Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, ici, aujourd’hui en Guadeloupe, nous invitent à faire vivre une mémoire trop longtemps oubliée. Elles nous invitent à une indispensable communion républicaine. Indispensable pour reconstruire, pour avancer, pour, tous ensemble, nous projeter avec lucidité vers l’avenir. Comme l’a dit le Président de la République, le 10 mai dernier, nous devons faire de notre histoire commune non pas un frein mais « un élan ».

Grâce au travail extraordinaire mené par les historiens tel que le professeur Frédéric Régent, par des écrivaines comme Maryse Condé ou Simone Schwartz-Bart, mais aussi par de nombreuses associations, nous pouvons mettre un nom, un visage, une histoire sur ces hommes et ces femmes. Ceux qui ont souffert, qui ont résisté. Toutes et tous ont fait notre histoire, anonymes et héros, comme Louis Delgrès. Nous pouvons aujourd’hui dire leurs noms. Nous pouvons regarder notre histoire en face. Nous pouvons rappeler l’humanité de chacun, honorer la citoyenneté de tous, célébrer, avec eux, la Liberté.

C’est le sens du Mémorial ACTe ici, où je me rendrai dès demain, comme du futur mémorial des victimes de l’esclavage, qui sera érigé bientôt à Paris. Tel est l’engagement du Président de la République, tel sera mon engagement, aux côtés des associations et de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage, chère Dominique Taffin. Je l’ai dit, lors de mon tout premier déplacement, lundi, à Saint-Denis.

Cette mémoire retrouvée, partagée le plus largement, doit également servir le combat universel qui reste à mener aujourd’hui encore dans d’autres pays que nous connaissons malheureusement trop bien où des hommes nient l’humanité d’autres hommes, d’autres femmes. Notre République doit être le fer de lance de la lutte contre les trafics d’êtres humains, contre l’esclavage et le travail forcé.

Notre mémoire commune nous impose de mener ces combats qui nous définissent en tant que Nation. Une Nation unie par les heurs et les malheurs de son passé, et dont l’identité s’affirme dans le rejet de toutes les barbaries.

Nous nous inclinons aujourd’hui dans le deuil et le tremblement devant ces lieux de mémoire, ces dates, ces combats. Ils nous appartiennent. Ils sont notre héritage. Il nous revient d’en tirer les leçons et de ne jamais oublier. De veiller surtout à ce que les générations à venir ne l’oublient pas davantage, et qu’elles sachent s’enorgueillir de notre belle diversité. Pour que résonne encore et toujours le glorieux écho de ces valeurs qui nous unissent depuis plus de deux siècles : liberté, égalité, fraternité.