Discours | Cérémonie de la journée nationale d'hommage aux victimes de l'esclavage colonial

23/05/2022

Partager la page

Lundi 23 mai 2022, Yaël Braun-Pivet, ministre des Outre-Mer s'est rendu à Saint-Denis (93)  pour participer à la journée nationale d'hommage aux victimes de l’esclavage colonial.

Seul le prononcé fait foi

 

Monsieur le Premier ministre, président de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage, cher Jean-Marc AYRAULT,

Monsieur le président du conseil départemental, cher Stéphane TROUSSEL,

Monsieur le maire, cher Mathieu HANOTIN,

Mesdames et messieurs les élus,

Mesdames et messieurs les représentants des associations Comité Marche du 23 mai 1998 et Sonjé, sans lesquels nous ne célèbrerions pas cette journée nationale,

Mesdames et messieurs,

 

Aujourd’hui, 23 mai, la République rend hommage aux victimes de l’esclavage.

Cette commémoration est née d’une mobilisation populaire, la grande manifestation des descendants d’esclaves à Paris le 23 mai 1998. Elle a depuis été érigée par la République en Journée nationale grâce à la loi du 28 février 2017.

Cette cérémonie nous invite à nous souvenir que, dans l’histoire de notre pays, quatre millions de personnes ont été pendant plus de deux siècles victimes d’un système inhumain qui constitua la face sombre de notre modernité, et elle nous invite à honorer leur mémoire.

Aujourd’hui, nous nous souvenons que, par leur travail, elles ont construit notre prospérité. Dans leur désir d’être libres, elles ont façonné nos valeurs. Leur créativité a enrichi notre culture, nos arts, l’idée que nous nous faisons de notre pays, et du monde. Dans leur dignité, c’est l’humanité toute entière qu’elles ont incarné.

Nous sommes réunis aujourd’hui pour reconnaître que ces femmes et ces hommes qui ont souffert, qui ont vécu, qui ont résisté, font toutes et tous pleinement partie de notre histoire nationale.

Je veux dire le nom de quelques uns d’entre eux.

Je pense d’abord à ces femmes qui avaient connu l’esclavage et qui ont choisi de marronner ou qui se sont révoltées, Solitude en Guadeloupe, Claire en Guyane, Heva à La Réunion, je pense à Louisy Mathieu, esclave émancipé en 1848, qui fut élu député de la Martinique quelques mois plus tard, je pense aux héroïnes et aux héros de la révolution haïtienne, comme Toussaint Louverture, ou Sanité Belair. Ils avaient eu à subir l’esclavage, et ils l’ont détruit. Leurs combats pour la liberté et l’égalité ont changé la face du monde.

Je pense à tous les nouveaux libres nommés en 1848 – Louisy Mathieu en faisait partie – et dont les noms ont été patiemment retrouvés, collectés et réunis par les militants et les archivistes qui depuis vingt ans travaillent à cette collecte unique.

Dire leur nom, c’est rappeler leur humanité, c’est honorer leur citoyenneté, c’est aussi marquer l’importance de ce moment où la République a renoué avec la grandeur de la Révolution Française qui avait aboli l’esclavage une première fois en 1794.

Ce sera le sens du mémorial qui sera prochainement érigé à Paris en hommage aux victimes de l’esclavage, par la volonté du Président de la République, et en réponse aux demandes des associations.

Il reprendra les noms des nouveaux libres de 1848. Le colloque qui s’est tenu en février dernier aux Archives nationales, « Des victimes de l’esclavage aux noms de la liberté » a dégagé la perspective qui permettra de mener à bien ce projet important.

Au cœur de la capitale, à quelques pas de l’endroit où la Convention a voté la première abolition, et de l’Hôtel de la Marine, siège du ministère des colonies, où Victor SCHOELCHER a préparé la seconde, il montrera la reconnaissance de la République pour ces femmes et ces hommes, ainsi que pour leurs descendants.

Sans elles, sans eux, en un mot : sans les outre-mer, la France ne serait pas la France. Elle serait moins grande, moins reconnue, moins elle-même.

Tout à l’heure, sur cette scène, un hommage sera rendu à Jacob DESVARIEUX, tragiquement disparu l’année dernière. Avec KASSAV, dont je salue les membres qui continuent à faire vivre cette formidable aventure musicale et humaine, il n’a pas seulement fait vibrer la culture antillaise dans le monde entier, il a fait briller la France. Il s’est aussi engagé pour faire reconnaître cette partie de notre histoire que fut l’esclavage, et les combats pour son abolition.

Ces combats continuent de nous inspirer aujourd’hui.

Ils nous inspirent face au racisme, aux discriminations, à toutes les formes d’infériorisation de l’autre qui sont autant d’atteintes à nos valeurs.

Ils nous inspirent aussi face à l’exploitation humaine, qui perdure dans le monde, quand l’organisation internationale du travail recense encore 25 millions de victimes de l’esclavage moderne.

Ils nous inspirent enfin face aux attentes de nos concitoyennes et concitoyens des outre-mer, qui attendent plus que jamais de la République qu’elle soit fidèle aux promesses de sa devise. Ministre des outre-mer, c’est l’engagement qui est le mien, et je sais la hauteur des attentes auxquelles il nous faudra répondre, ensemble.

Tels sont les messages que ces journées nous invitent à partager, au cours de ce Temps des Mémoires au sein duquel, dans tous les Outre-mer, on fête aussi les abolitions, le 27 avril à Mayotte, hier 22 mai en Martinique, vendredi prochain 27 mai en Guadeloupe, le lendemain 28 mai à Saint-Martin, le 10 juin en Guyane, le 9 octobre à Saint-Barthélémy, et le 20 décembre à La Réunion, et je n’oublie as la journée nationale des mémoires de l’esclavage, de la traite et de leurs abolitions, le 10 mai.

Ce chapelet de dates forme l’archipel de nos mémoires partagées. On y lit la complexité de notre histoire, notre diversité en tant que Nation, et cet attachement viscéral à la liberté, à l’égalité et à la fraternité qui sous toutes les latitudes définit depuis plus de deux siècles ce que c’est que d’être Français. Cet attachement porte un nom : c’est la République.

Vive la République ! Vive la France !

Discours de Yaël Braun-Pivet le 23 mai 2022 à Saint-Denis