Projet de loi d'urgence pour Mayotte | Propos liminaire de Manuel Valls à la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale

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13/01/2025

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Manuel Valls, ministre des Outre-Mer en Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale

Lundi 13 janvier 2025 a débuté a l'Assemblée nationale l’examen en Commission des affaires économiques du projet de loi d’urgence pour Mayotte un premier texte présenté par le Gouvernement dont voici le propos liminaire prononcé par Monsieur Manuel Valls, ministre d'État, ministre des Outre-Mer.

Seul le prononcé fait foi

 

 

Madame la présidente,

Madame la rapporteure,

Mesdames et Messieurs les députés,

 

Il y a des projets de loi que l'on aimerait ne pas avoir à présenter.

Et je sais qu'il y a des textes dont vous préféreriez ne pas avoir à débattre. Celui qui nous occupe aujourd'hui est de ceux-là.

Car si nous sommes ici cet après-midi, c'est parce qu'il y a bientôt un mois, un terrible cyclone s'abattait sur un petit bout de France, hélas aussi magnifique que coutumier des crises.

Le 14 décembre dernier en effet, le cyclone Chido frappait durement Mayotte, laissant une population, déjà confrontée à de nombreuses et graves difficultés quotidiennes, dans un état de sidération. Par son ampleur inédite et parce qu'il a touché un territoire éloigné de 8 000 kilomètres de l'hexagone et situé à deux heures d'avion de La Réunion, cet événement a donné lieu à la plus grave crise de sécurité civile que notre pays ait connue depuis la Seconde Guerre Mondiale.

Le bilan humain, déjà dramatique, reste encore difficile à déterminer de façon précise. À ce jour, nous comptons 39 personnes décédées, 124 blessés graves et 4 466 blessés légers.

S'ajoute un désastre écologique et économique. Les trois quarts de la forêt ont été dévastés. Je connais bien Mayotte. En y retournant après ce drame, ce qui m'a plus frappé, et notamment en me rendant à Combani, c'était que l'on pouvait facilement apercevoir l'océan, l'horizon, autrefois dissimulés derrière l'ombre accueillante et apaisante de palmiers, bambous et autres manguiers. Même les baobabs sont tombés. j'ai ressenti avec émotion ce qui doit être une déchirure brutale pour les Mahorais.

Des filières sont sinistrées, faisant courir le risque de désastres sociaux : l'agriculture est menacée, la pêche est fragilisée, les circuits d'eau sont rompus, des terrains peuvent s'effondrer: l'équilibre écologique tout entier est en danger.

Je veux avoir, avec vous, une pensée pour tous les Mahorais et pour leurs proches. Les morts, les blessés physiques et psychologiques, les habitants qui ont été particulièrement isolés après le cyclone, comme à Mtsamboro où je me suis rendu avec vous Madame la rapporteure ou à Bouéni dans le sud, ces vies meurtries, ces hommes et ces femmes sans toit, ces travailleurs inquiets... tous nous obligent.

Hier et aujourd'hui, le territoire a encore été frappé durement par une tempête tropicale intense et de fortes pluies liées également au phénomène de mousson. Nous avons des problèmes d'alimentation en eau de la commune de M'tsamboro, comme toutes celles liées à l'unité de production de Bouyoumi. Tout est fait pour rétablir l'eau. Il y a aussi un souci dans le sud, dans les communes de Bandrele, Chirungui, Boueni et Kani Keli, ont des dégâts sérieux sur les canalisations. Le réseau est en cours d'analyse. Vous devez imaginer l'impact psychologique sur la population ainsi que les nombreux risques sur lesquels nous allons être très attentifs dans les prochaines heures: inondations, coulées de boues, submersion côtière. La décision n'est pas prise mais nous sommes en train d'étudier le décalage de la rentrée scolaire au 27 janvier.

Nous devons donc aux Mahorais de trouver ensemble des solutions fortes, concrètes, pragmatiques et dénuées de toute idéologie. C'est en tout cas l'état d'esprit avec lequel je me présente devant vous. Je ne doute pas, et même je sais, que c'est aussi celui qui vous anime.

Vous le savez, depuis que j'ai pris mes fonctions de ministre d'État, ministre des outre mer le 23 décembre dernier, la situation à Mayotte s'est imposée à moi comme une urgence immédiate, comme la priorité numéro 1 de mon action. Ça l'est également pour le Premier ministre et pour l'ensemble du Gouvernement, engagé quotidiennement dans la réponse à la crise et dans la déclinaison, progressive mais rapide, du plan « Mayotte debout » annoncé le 30 décembre dernier par François Bayrou.

j'ai un mandat clair : refonder Mayotte. Nous avons, cet après-midi, un mandat clair : poser les premières pierres de cette refondation.

Refonder, je le dis sans détour et avec clarté, cela va beaucoup plus loin que reconstruire. J'y reviendrai. Mais reconstruire est un préalable incontournable pour répondre aux urgences et envisager, ensuite, une véritable refondation. C'est la responsabilité qui nous incombe à tous.

Avant d'entrer dans le détail de ce projet de loi d'urgence, je me permets de vous préciser la méthode qui est la nôtre et qui s'organise en trois temps :

  • le premier temps, qui se poursuit, c'est l'urgence immédiate, la gestion de crise;
  • le deuxième temps, c'est donc ce projet de loi d'urgence pour prendre les mesures législatives qui ne peuvent attendre;
  • enfin, il y aura un troisième temps, celui de mesures plus structurelles qui seront portées par un autre texte dont vous aurez naturellement à connaître, un projet de loi programme pour Mayotte,« Mayotte Debout».

Le 1er temps, l'urgence immédiate, la gestion de crise, se poursuit sans répit

Je crois utile dans ce cadre de vous faire un point de situation le plus précis possible. Car l'État n'a, évidemment, pas attendu ce projet de loi pour agir.

L'état de calamité exceptionnelle a été décrété par le Premier ministre dès le 18 décembre. Il permet de considérer que la condition légale tenant à l'urgence ou à la force majeure est présumée remplie pour accélérer certaines procédures. Dès le 19 décembre, un arrêté portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle était également pris. Vous le savez, il permet d'accompagner les collectivités territoriales mais aussi les assurés, sur un territoire qui en compte néanmoins trop peu.

Un décret était également pris dès le 18 décembre pour encadrer les prix de vente à la production, les marges à l'importation et à tous les stades de la distribution de certains produits à Mayotte, et ce, jusqu'au 18 juin 2025. C'est notamment ce décret qui a permis l'encadrement du prix de l'eau plate en bouteille.

Enfin, je co-signerai très vite un décret prévoyant une aide exceptionnelle aux entreprises de Mayotte pour les mois de décembre 2024 et janvier 2025. Cette aide pourra atteindre jusqu'à 20 000 euros.

L'évaluation des dégâts et du coût de la reconstruction est en cours par une mission inter-inspections. Elle permettra de calibrer précisément les moyens à mobiliser par l'établissement public.

Surtout, l'État a été - et est toujours - pleinement mobilisé pour faire face aux urgences vitales. Je veux, à cet égard, saluer l'engagement exceptionnel de tous les agents des services publics, qui ne comptent pas leurs heures pour soigner, accompagner, ou reloger ceux qui ont tout perdu. Je veux saluer tout particulièrement, bien sûr, le préfet François-Xavier Bieuville, ses équipes, ainsi que celles de la préfecture de La Réunion. Je salue enfin l'action déterminante des élus, du monde associatif et caritatif et des bénévoles.

L'État est pleinement mobilisé au plus haut niveau : le ministre de l'Intérieur et mon prédécesseur, le Président de la République, suivi du Premier ministre et de plusieurs membres du gouvernement se sont rendus sur place. Mon collègue ministre, Thani Mohamed Soilihi, mahorais comme vous le savez, suit aussi naturellement la situation heure par heure. La Présidente de l'Assemblée nationale en revient également. j'ai moi même tenu à rester 48 heures supplémentaires pour prendre la pleine mesure de la situation sur le terrain.

Cette mobilisation exceptionnelle produit déjà des avancées concrètes, mais nous savons que le chemin est encore long. Elle doit se poursuivre sans relâche et dans la durée, avec une présence constante sur le terrain, car la situation exige une mobilisation sans faille de l'ensemble des services de l'État.

La distribution de vivres et l'accès à l'eau courante progressent. Nous serons particulièrement attentifs à ce que le mois de Ramadan, une période très importante pour les Mahorais et qui débute fin février, puisse se passer dans les meilleures conditions possibles de ce point de vue.

Plus de 80 % des clients sont réalimentés en électricité. Le choix qui a été fait est celui de l'enfouissement des lignes pour limiter de futurs désagréments. Cela explique qu'il faille un peu de temps. Plus de 200 agents d'EDF et d'EDM sont mobilisés. La couverture en termes de télécommunications mobiles dépasse les 90 % d'abonnés couverts tandis que celui des communications fixes, oscillant entre 20 et 30 % en fonction de l'opérateur, reste très faible. Mais si les statistiques continuent de progresser, elles ne constituent que des moyennes et nécessitent surtout une attention constante, notamment dans les territoires les plus reculés. Je sais, par exemple, que pour ce qui concerne l'électricité il y a des secteurs qui sont loin d'être bien couverts. Il faut mettre le paquet d'ici à la fin janvier. Et pour ce qui concerne l'eau, nous reviendrons au mieux à la situation très insatisfaisante qui était celle d'avant le cyclone Chido. Nous avons tous en tête la crise aiguë de 2023. C'est pourquoi parmi les priorités du plan « Mayotte debout» figurent la construction d'une deuxième usine de dessalement et l'accélération de la création d'une troisième retenue collinaire. Quant aux capacités d'assainissement, elles sont directement dépendantes de la montée en puissance de l'alimentation électrique que j'évoquais. Seuls 26 des 35 sites de la société mahoraise d'assainissement sont actuellement réalimentés.

Nous sommes aussi particulièrement mobilisés sur deux défis qui sont devant nous:

  • premièrement, la préparation de la rentrée scolaire. La rentrée administrative, qui a été décalée par précaution à l'approche de la tempête tropicale Dikeledi, aura lieu demain. L'accueil des élèves débutera quant à lui à compter du 20 janvier. 70 % des salles de classe des premier et second degrés devraient être disponibles;
  • deuxièmement, la gestion des déchets, un véritable défi, pour éviter tout risque sanitaire. L'évacuation totale des déchets ménagers de la voie publique sera terminée à la fin du mois de janvier.

L'accès aux soins est également une priorité, avec le plus grand hôpital de campagne d'Europe, l'ESCRIM, qui complète l'action de l'hôpital de Mamoudzou et qui tourne à plein régime, puisque plus de 3 300 personnes y ont été accueillies depuis son ouverture. Après l'épisode de cette fin de semaine, il va être remonté.

Les opérations dites« d'aller-vers» en matière de santé se poursuivent et s'accélèrent. Plus de 18 000 prises de contact entre secouristes et population ont eu lieu. La

multiplication de ces opérations, sans que cela ne se traduise pas une hausse substantielle dans le nombre de blessés recensés est évidemment une bonne nouvelle.

Le risque épidémiologique fait l'objet d'une vigilance maximale pour éviter le développement du choléra notamment - 3,6 millions de comprimés de chloration ont été distribués et 10 000 doses de vaccins sont pré positionnées à La Réunion - mais aussi de la dengue et du chikungunya.

Nous sommes aussi très attentifs au risque traumatologique, aussi bien dans le cadre des opérations « d'aller-vers » que j'ai citées qu'avec la mise en place d'un dispositif téléphonique spécifique de soutien médico psychologique qui a reçu 239 appels depuis son ouverture, le 16 décembre.

Nous sommes enfin mobilisés pour permettre au plus vite d'avancer sur le reboisement de l'île. L'importation des pousses est une urgence. C'est la saison pour semer.

Au-delà de cette action opérationnelle immédiate, la réponse de l'État va donc entrer dans une deuxième phase.

C'est ce 2ème temps que j'évoquais et c'est le projet de loi d'urgence pour Mayotte qu'il me revient maintenant de vous présenter.

Sa philosophie générale est simple : permettre la mise en œuvre très rapide de mesures urgentes pour faciliter l'hébergement et l'accompagnement de la population, ainsi que la reconstruction ou réparation des infrastructures et logements sinistrés.

Pour ce faire, ce texte comprend 22 articles, dont 3 habilitations à légiférer par ordonnance, répartis en 7 chapitres:

  • Le chapitre Ier porte 2 mesures importantes:

L'article 1er demande au Parlement d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour mettre en place un opérateur unique puissant dédié à la reconstruction de Mayotte et lui confier la mission de coordonner les travaux de reconstruction. L'habilitation que nous vous demandons est d'ores et déjà précise sur la nécessité d'associer les collectivités territoriales mahoraises.

À la suite de nombreuses demandes des élus locaux sur le terrain, le Gouvernement proposera un amendement pour préciser que cet établissement public ne sera pas l'établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte, l'EPFAM, mais que les missions de ce dernier seront intégrées dans un nouvel établissement public. Par décret du Président de la République en date du 9 janvier 2025, le général Pascal Facon a été nommé préfigurateur de cet établissement public. Il se rend sur place afin de discuter avec tous les acteurs de l'organisation envisageable.

L'article 2 permet à l'État, jusqu'au 31 décembre 2027, d'assumer la compétence de construction, reconstruction, réhabilitation, rénovation et réparation des écoles publiques communales à Mayotte. Cette substitution sera temporaire et soumise à l'avis des communes.

  • Le chapitre Il adapte les règles d'urbanisme et de construction.

L'article 3 permet ainsi de faciliter l'implantation rapide d'hébergement temporaire d'urgence pour les personnes sinistrées.

L'article 4, quant à lui, habilite le Gouvernement à déroger, par ordonnance, à certaines règles auxquelles sont soumises les constructions de bâtiments, comme en matière de stationnement de véhicules ou de dispositifs de recharge de véhicules électriques. Les exigences de sécurité des habitations seront toutefois intégralement préservées.

  • Le chapitre Ill porte, quant à lui, 5 articles qui s'inspirent des dispositions prises à la suite des violences urbaines de l'été 2023 pour faciliter la reconstruction des bâtiments détruits et qui visent à adapter les procédures d'urbanisme et d'aménagement aux enjeux de la reconstruction à Mayotte.

L'article 5 définit le champ d'application de l'ensemble du chapitre pour prévoir une possibilité de reconstruire à l'identique ou avec des améliorations possibles.

L'article 6 permet aux projets de reconstruction ou de réfection, à l'identique ou avec des adaptations ou améliorations, d'être autorisés même s'ils ne respectent pas les règles actuellement prévues par les documents d'urbanisme locaux ou les normes en vigueur. Cet article précise également les adaptations et améliorations qui peuvent être apportées aux projets, en particulier aux constructions, introduisant de la souplesse par rapport à la notion de reconstruction « à l'identique », pour s'adapter au mieux aux enjeux d'amélioration de la performance énergétique, d'accessibilité ou de sécurité par exemple.

L'article 7 accélère l'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme en divisant certains délais par deux ou par trois.

L'article 8 facilite le recours aux procédures de participation du public par voie électronique lorsque c'est possible et permet d'exempter certains projets d'enquête publique.

L'article 9, enfin, prévoit que les opérations et travaux préalables, comme la démolition ou le terrassement, peuvent être engagés dès le dépôt de la demande d'autorisation d'urbanisme.

  • Le chapitre IV est constitué d'un seul article, l'article 10, habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter les règles relatives à l'expropriation pour cause d'utilité publique. Il s'agit de s'ajuster à la situation de Mayotte, où il est souvent difficile d'identifier formellement les propriétaires de terrains. L'objectif est d'y faciliter des opérations de construction et de relogement.
  • Le chapitre V regroupe 4 articles prévoyant des adaptations et dérogations, pour 24 mois, aux règles de la commande publique, là encore pour simplifier et accélérer les procédures. Les articles 11 à 14 prévoient en effet des dérogations aux

règles normales de passation des marchés publics, ou encore dispensent de publicité et de mise en concurrence préalable certains marchés.

  • Le chapitre VI comprend des mesures déjà annoncées, inspirées des dispositions mises en œuvre pour la reconstruction de Notre Dame, afin de faciliter les dons en faveur de Mayotte. L'article 15 facilite le versement d'aides par les collectivités territoriales. L'article 16 porte, lui, à 75 % le taux de réduction d'impôts pour les dons à des associations et fondations fournissant des repas ou des soins, ou favorisant le relogement des personnes en difficulté. Le Gouvernement proposera un amendement pour harmoniser les critères applicables à ces deux articles.
  • Le chapitre VII, enfin, regroupe différentes mesures sociales en faveur de la population à Mayotte, pour la plupart applicables jusqu'au 31 mars prochain. Les agriculteurs et pêcheurs, des professions particulièrement touchées, bénéficieront de certaines d'entre elles. Il s'agit d'abord de suspendre le recouvrement forcé (article 17) ou celui des cotisations sociales (article 18). L'article 19 étend le bénéfice de l'action du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants à ceux exerçant leur activité à Mayotte. L'article 20 prolonge les droits pour les demandeurs d'emploi et bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique {ASS) et de l'allocation des travailleurs indépendants {ATI), tandis que l'article 21 maintient les droits à prestation versées par la caisse de sécurité sociale. Enfin, l'article 22 propose notamment d'augmenter les niveaux de prise en charge de l'activité partielle.

Deux remarques sur ces mesures sociales:

D'abord, le Gouvernement proposera des amendements supplémentaires pour certaines autres catégories de prestations comme les allocations logement ou pour s'assurer que le régime agricole est couvert par le droit au maintien des prestations versées.

Ensuite, j'indique que le Gouvernement travaille à l'activation au plus vite de dispositifs d'urgence à destination des particuliers les plus vulnérables, des acteurs économiques  et  des collectivités  territoriales. Une  circulaire  est  en cours  de

finalisation pour préciser les principes d'intervention et modalités de mise en œuvre de dispositifs tels que le fonds de secours d'extrême urgence (FSEU) et le fonds de secours pour les outre-mer (FSOM).

Vous le voyez, ce projet de loi porte des mesures incontournables pour envisager la reconstruction et soutenir nos compatriotes mahorais.

Même si l'on en reste aux seuls sujets d'urgence, ce texte est sans aucun doute encore incomplet. Je souhaitais que le débat parlementaire qui commence aujourd'hui permettre de le compléter. Il le pourra, bien entendu, sur certains points. Malheureusement, plusieurs amendements déposés notamment par le Gouvernement sur des sujets déterminants, ont été déclarés irrecevables car considérés comme des cavaliers. Je le regrette. Je pense notamment à d'autres mesures, très urgentes, qui auraient dû, elles aussi, être adoptées avec la même célérité :

  • premièrement, sur la lutte contre l'habitat illégal. C'est un sujet prioritaire pour le Gouvernement. Je le dis avec clarté et fermeté : nous ne laisserons pas Mayotte redevenir une « île bidonville ». Car même si ces amendements ont été déclarés irrecevables, nous trouverons le vecteur, au plus tard lors du projet de loi programme que j'évoquerais tout à l'heure, pour notamment élargir les catégories d'agents pouvant constater l'édification illégale, faciliter juridiquement, pour les officiers de police judiciaire, la traversée des « bangas » pour contrôler les activités professionnelles illégales, ou encore étendre le délai de flagrance. Je veux toutefois dire que, s'il est possible de procéder à des ajustements rapides par la loi, cette lutte passera avant tout, à moyen terme, par l'engagement de forces sur le terrain et surtout par une lutte plus résolue contre l'immigration irrégulière. J'y reviendrai;
  • deuxièmement, nous portions une mesure visant à protéger les habitants de Mayotte contre de possibles augmentations excessives de loyers, pour qu'à l'horreur du cyclone ne s'ajoute pas l'indignité de profiteurs de crise. Nous la porterons donc, là aussi, plus tard.

Au-delà des irrecevabilités, ce projet de loi porte déjà de nombreuses mesures. Donnez-nous tous ces moyens et j'en suivrai matin, midi et soir l'application. Une équipe dédiée est en cours de constitution, placée auprès de mon cabinet, pour suivre minute par minute la situation à Mayotte. Elle sera composée de spécialistes sur tous

les sujets dans une approche interministérielle : santé, immigration, sécurité, agriculture, énergie, environnement, éducation, ou encore économie. Elle sera en lien très étroit avec la préfecture sur place, dont les moyens humains et matériels ont été renforcés et le seront encore davantage.

Evidemment, le PLF 2025 devra intégrer tous ces éléments et le coût de la reconstruction qui est en cours d'évaluation comme je le disais.

Ce projet de loi est donc une réponse incontournable, mais il n'est qu'une première réponse. D'autant, et vous le savez déjà, que Mayotte fait face à un véritable sous­ investissement par rapport à d'autres territoires, comme en matière de politique de la ville, par exemple.

Interviendra ainsi un troisième temps, celui des mesures structurelles portées par un autre texte de loi.

Le Premier ministre l'a annoncé, nous allons concerter très largement dans les prochaines semaines pour avancer sur d'autres mesures législatives, plus structurelles. Nous vous présenterons donc, dans les deux mois, un second projet de loi, un projet de loi programme de refondation de Mayotte.

Il s'agira notamment de transcrire dans la loi certaines autres mesures du plan «Mayotte debout».

Ce texte visera ainsi à permettre le développement économique, éducatif et social du territoire sur de nouvelles bases. C'est ainsi, par exemple, que nous instituerons une zone franche globale.

Ne nous mentons pas : le cyclone a ravagé Mayotte. Il a révélé, exacerbé les problèmes, les défis, les fléaux qui existaient. Car Mayotte plie déjà depuis des années sous le poids des deux fléaux qui la rongent : l'habitat illégal et l'immigration clandestine.

Je vous proposerai dès aujourd'hui des mesures pour mieux lutter contre l'habitat illégal. Quant à la lutte contre l'immigration clandestine, elle constituera un volet primordial du second projet de loi sur lequel Bruno Retailleau travaille déjà. L'immigration illégale pèse sur tous les aspects de la vie quotidienne de nos compatriotes mahorais, nourrit l'ultraviolence et alimente des réseaux de trafiquants d'êtres humains. C'est indigne de la République et de nos valeurs universelles. Dès à présent, nous rétablissons nos moyens de détection des entrées illégales, par voie aérienne et maritime.

Le plan « Mayotte debout » prévoit aussi une montée en gamme de ces moyens de détection. D'ici la fin du mois, quatre radars légers seront mis en place et trois caméras à très longue portée seront installées pour couvrir les axes les plus empruntés par les passeurs. Surtout, trois drones de nouvelle génération seront expérimentés à compter du printemps et de nouveaux intercepteurs seront mis à l'eau.

Mais nous devrons aussi prendre des mesures fermes pour renforcer juridiquement nos moyens de lutte contre l'immigration illégale : allonger la durée de résidence régulière des parents sur l'accès des enfants à la nationalité française, meilleurs outils juridiques pour lutter contre les reconnaissances frauduleuses de paternité, extension de l'aide au retour volontaire des ressortissants africains dans leur pays d'origine.

Nous devons augmenter les éloignements de clandestins, de 25 000 aujourd'hui, à 35 000 demain. Cela suppose aussi un rapport très ferme avec les Comores.

D'ailleurs, des initiatives parlementaires proposeront déjà d'avancer dans les prochaines semaines. Nous regarderons cela de près. Je travaillerai particulièrement sur ce dernier point avec le ministre d'État, ministre de l'intérieur. Et je n'élude pas le droit du sol, qui, comme le Premier ministre l'a affirmé lors de son déplacement sur l'île, est« une question qu'il faut se poser».

Madame la présidente, Madame la rapporteure, Mesdames et Messieurs les députés, il y a le jeu politique, il y a les actualités qui vont et qui viennent mais il y a une impérieuse exigence: ne pas laisser tomber Mayotte.

Le monde nous regarde.

Nous ne lâcherons rien pour l'aider à se relever.

Nous ne transigerons avec rien pour reconstruire l'île sur des bases plus saines, pour changer son visage et, à travers elle, la vie des mahorais. Nous le ferons avec tous les élus mahorais et évidemment avec les parlementaires du territoire.

j'espère ainsi vivement que ce texte puisse faire consensus dans vos rangs. Fort de cette position, je pourrai alors, de retour à Mayotte à la fin du mois, regarder droit dans les yeux les hommes et les femmes que je rencontrerai et leur dire ces mots dont quiconque connaît l'archipel et ses habitants mesure l'importance:

Mahorais, la Nation vous aime, autant que vous aimez la Nation

Je vous remercie